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Le leak : phénomène ou hantise ?

Le leak : phénomène ou hantise ?

On le sait, la technologie dépasse la vitesse de la lumière. En quelques années à peine, de nouveaux mots ont fait leur apparition dans le jargon internet. Parmi eux, le leak (en français : fuite). Un terme que l’on n’aurait jamais imaginé employer à l’époque de nos connexions bas débit avec forfait 20h/ mois. Pourtant, à l’heure où l’industrie musicale n’a jamais autant mis le web au centre de son plan marketing, les artistes et leurs labels, indépendants ou non, se voient confrontés à un nouveau phénomène. Phoenix, Daft Punk, Jai Paul… À chaque artiste son leak. Explications.

L’évolution de notre rapport à la musique

Internet a profondément modifié notre rapport à la musique. Le web a dématérialisé le support audio, le rendant virtuel, moins palpable, plus interactif aussi. La musique se voit et s’écoute, elle est partout : sur une fenêtre discrètement relayée en second plan au bureau, du matin au soir dans nos écouteurs, en streaming en vacances, à condition d’avoir un smartphone ou un ordinateur pas loin de soi. Elle est autant à notre service que nous lui sommes tympans et poings liés. La musique s’offre et s’achète, en crédits ou en temps, elle est à la demande, elle se commande, parfois des mois auparavant…
Selon une étude du Ministère de la Culture français, 9% de Français écoutaient de la musique tous les jours ou presque (hors radio) en 1973 contre 34% en 2008. Sur la tranche des 25-39 ans, ce chiffre est encore plus parlant : il est passé de 19% à 70%.
Dans nos quotidiens ultra connectés, la musique a remplacé le silence ou le brouhaha : pour preuve, se ruer sur ses écouteurs et enchaîner avec la touche “volume ++”  sont devenus nos premiers réflexes dans les transports en commun… Osez avouer le contraire.

Pourquoi le leak ?

La musique est devenue un élément central voire moteur dans nos vies. Les blogs musicaux fleurissent, le site “Has it leaked ?” propose de découvrir les derniers albums qui ont fuité avant leur sortie, les réseaux sociaux s’enflamment dès qu’un nouveau clip filtre sur la toile. L’écho que les artistes et leurs nouvelles productions ont dans nos vies (virtuelles et réelles) s’est considérablement multiplié. D’où l’importance de la rareté, (qui explique aussi en partie le retour en force du vinyle) et de l’avant-première… Peu importe les moyens pour y parvenir. Alors quand des albums leakent des mois avant leur sortie, le quidam est aux anges. La blogosphère s’enflamme. Mais où est la légalité dans tout ça ? Pire encore, quel intérêt ?

Phoenix : le leak trop tôt

Février 2013. Deux mois avant sa sortie, prévue le 22 avril, le 5e album des Versaillais de Phoenix débarque avec perte et fracas sur le web. Mais l’enthousiasme des premières minutes s’efface au profit de la déception. Faut-il se réjouir de pouvoir découvrir Bankrupt avant tout le monde ? “Avant tout le monde”, pas vraiment, justement… Un clavier, une souris, un accès à Internet et quelques mots clés tapés sur Google permettent à n’importe qui de se procurer ce leak. Phoenix, victime ou coupable ? On ne le saura sans doute jamais. Amèrement critiqué, le nouvel album du groupe déçoit avant même sa sortie officielle. Du côté des journalistes, l’affaire divise. Certains détestent le principe du leak, d’autres en appellent au respect des artistes, et d’autres encore s’en servent pour être les premiers dans la course à l’information. Serions-nous devenus des boulimiques de la musique ?

Jai Paul : le leak raté

Avril 2013. Contre toute attente, Jai Paul balance un LP prometteur sur le web. Après l’excellent Jasmine, le Londonien surprend et la toile s’enflamme… Mais l’euphorie sera de courte durée. Non, Jai Paul n’a rien leaké, non, ce que les Internautes ont entendu avant de crier au génie ne sera pas son premier album… Il s’agit tout simplement d’un leak illégal de chansons non terminées, balancées par le voleur de son ordinateur portable sur un faux Bandcamp. Et pendant ce temps là, tout le monde semble penser “Merde alors, Jai Paul, c’était cool en fait…”

Daft Punk : le leak leaké

Dans la course aux exclusivités, les albums de Daft Punk arrivent toujours premier. Toujours aussi parcimonieux lorsqu’il s’agit de dévoiler leurs nouvelles productions, les deux casqués ont d’abord balancé 40 secondes de leur nouveau titre, Get Lucky, avant de surenchérir avec une version d’un peu plus d’une minute, diffusée sur grand écran à Coachella. Fans de la première heure et DJs en herbe en mal de gloire s’approprient le preview. Vanderway, un inconnu parmi tant d’autres, est le premier à faire un edit du morceau non intégral (40 secondes en boucle, joli !). Du leak leaké en quelque sorte…  Suivent une ribambelle de faux tracks, uploadés sur YouTube ou Soundcloud. Maintenant que la version officielle (et intégrale) est enfin sortie, l’heure est au pied de nez : les parodies s’enchaînent, version acoustique, française, slow motion, ou Compagnie Créole. Mieux vaut en rire qu’en pleurer après tout !

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