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Ce qui se passe dans ton cerveau après avoir validé un panier Asos

Ce qui se passe dans ton cerveau après avoir validé un panier Asos

Loin de moi l’idée de m’improviser thérapeute, je laisse ce dur labeur à des professionnels plus ou moins diplômés en la matière. Ayant toujours détesté jouer des coudes pendant les soldes, pour dénicher un débardeur en lycra (qui te fera puer sous les bras), je bénis les sites de shopping en ligne qui me permettent d’entretenir mon agoraphobie tout en continuant à claquer un quart de mon salaire en bouts de tissu. Mais le problème ne se trouve pas là…

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Comme à peu près tous les autres e-shops, Asos bénéficie désormais aussi d’une application mobile. C’est génial, super, fabuleux, merveilleux, en 2016 tu n’as plus besoin de passer ta vie dans les rayons. Une pause déj au boulot sans tes collègues et voilà que tu as déjà sauvegardé 4 articles. Un voyage en train / tram / métro et bim, tu as déjà mis de côté 5 robes inutiles dans ton panier. L’enfer. Tu en as déjà au moins 50 dans ton dressing.

Pire encore, le moment des soldes. Cette gentille équipe de millionnaires qui se cache derrière Asos et consorts a pensé à tout, même à ton anniversaire, même aux mails hebdomadaires qui t’informent, nonchalamment, que la prochaine démarque commence à minuit, qu’avec le code TRUC tu as droit à la livraison gratuite en 24H (le vrai code est NEXTDAYFR, ndlr.) À partir de 100 euros ! (…)

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Ouais, mais le problème, c’est que tu n’arrives jamais à te contenter d’un seul article. Tu es même du genre à gonfler ton panier avec une petite bague en toc, un headband en laine (même si c’est l’été, ça vaaaaa il coûte 3 € !!!). Et bim, une coque pour le téléphone. Oh et merde, et cette robe-là, elle est vraiment pas cher, pour 10€ même si c’est de la merde, tant pis !

Et arrive ce moment particulier où tu cliques sur “commander”. Particulier, car il se situe entre la gêne et l’excitation, entre le plaisir coupable et le remord immédiat. En moins de temps qu’il n’en faut, tu as claqué plus que ce qu’un enfant du Tiers-monde dépensera dans sa vie.

C’est à cet instant précis, celui où tu as “validé ton panier”, que se succèdent tout un tas d’émotions et de pensées au fin fond de ton esprit. Big bang de l’acheteur(se) compulsif(ve).

① Tu as un léger frisson. Tu frémis comme un enfant de 5 ans qui descend en pyjama pour ouvrir ses cadeaux de Noël. Demain, ce gentil Asos te livrera en point relais.

② Tu te souviens du prix à payer pour avoir droit à la livraison gratuite en 24H : tu as dû dépasser le seuil des 100 euros.

③ Tu réalises qu’il t’a fallu environ 10 minutes pour claquer 100 euros, et que tu aurais mis environ 2 heures de + (passage à la caisse compris), en te rendant IRL (in real life) chez Zara. Et que, découragé par la queue à l’essayage, la queue à la caisse, la queue pour sortir, tu aurais tout laissé en plan en te disant que ça n’en valait pas la peine.

④ Tu te souviens, avec beaucoup d’amertume, de la dernière fois où tu as validé le même genre de panier. Tu as rapidement validé ta commande par peur de “la rupture de stock”. Tu as reçu ton colis en – de 24H chez toi, tu as dû renvoyer 4 articles sur 5  – soit parce qu’ils ne t’allaient pas, soit parce qu’ils étaient moches.

⑤ Mais tu te souviens aussi de cette autre fois, où la robe que tu avais commandé était encore + belle que sur le site, et de cette autre fois encore, avec ce jean payé en moins de trois minutes qui te fait un cul d’enfer même trois ans après.

⑥ Vient ensuite l’épreuve de la culpabilité. Ton compte affiche déjà à -500€ de découvert et tu ne seras pas payé(e) avant 2 semaines. Et en plus, tu fumes – tu as calculé, tu dépenses en moyenne 200 balles par mois pour avoir le cancer plus vite. Et en plus, tu as une vie sociale et tu ne bois pas seulement des pintes à 3€ ou des pastis à 1,50€, tu fermes les yeux devant le prix d’un cocktail au bar d’un hôtel huppé de ta chère petite ville.

⑦ Et puis tu finis par en conclure que le mal est fait, que c’est trop tard, que tes achats sont déjà en train d’être emballés par des petits lutins quelque part en Europe. Tu te sermonnes cinq minutes deux secondes en te disant que la prochaine fois, tu réfléchiras avant de valider ton panier.

⑧ Tu repenses aussi, tout à coup, à ce que tu as vu en essayant d’acheter cette salopette New Look courte en jean : la livraison était interdite à Cuba, en Iran, au Soudan, en République Arabe Syrienne et en Birmanie. Et là, tu t’es dit qu’être une femme en 2016 en France, c’est aussi finalement avoir de la chance.

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